Martine Janin-Oudinot est née en 1946.
Psychanalyste retraitée, membre titulaire honoraire de la Société Psychanalytique de Paris. Parisienne, elle s’installe à Lyon en 1996.
De la fin des années 60 aux années 80, elle s’est fait connaître pour la réalisation de ses tapisseries d’appliqués. L’une d’elles, primée en 1974 lors d’un concours, est exposée à Paris pendant un an au Musée des Arts et Traditions Populaires. Suivront alors plusieurs expositions importantes en France et à l’étranger.
Après une période de travail photographique, initié par sa découverte des couleurs et des lumières de Lyon, le collage s’impose à elle comme principal moyen d’expression.
Elle expose ses premiers collages en 2015 à l’Atelier-Galerie Autour de l’image, rue Sala à Lyon ; puis en 2016 dans le cadre d’une exposition de groupe autour du thème New-York. Son travail est de nouveau visible à la Galerie du Désordre, rue Vaubecour à Lyon dans le cadre de l’exposition Intérieurs éclectiques.
En 2018 , toujours chez Autour de l’Image sur le thème de Lyon, elle présente une série de collages consacré à la place Bellecour.
En 2019, cinq œuvres ont été retenues pour la Revue en ligne EMages de la Société Psychanalytique Belge.
Du 14 Juin 2019 au 20 Janvier 2020, elle expose une vingtaine d’œuvres à Bruxelles, à la Maison de la Société Belge de Psychanalyse, rue Émile Claus.
L’une d’entre elle est parue dans la Revue Belge de Psychanalyse, papier Numéro 74 – 2019-1.
Son travail est visible à l’occasion d’une exposition collective organisée dans le cadre des 25 ans de l’Atelier/Galerie Autour de l’image du 12 Septembre au 24 Octobre 2020. En décembre 2022, elle participe à nouveau à une expositions collective à l’Atelier/Galrie Autour de l’image.
Observons, pour commencer, le collage Sans Titre N° 22 de la série « Chambre à coucher ». De prime abord, c’est une scène de théâtre : il y a de nombreux spectateurs. Des hommes, des femmes, plutôt âgés, dans la pénombre de la salle qui indique que la représentation est en cours. Sur la scène, donc, un homme sur un lit, en proie à une certaine agitation. La tête semble enfermée dans une cagoule ; non, plutôt un sac. C’est ça, la tête dans le sac. Le grand miroir de l’armoire semble refléter l’homme, mais non : il est dans une posture différente : ce n’est plus la tête dans le sac, mais peut-être bien les pieds devant ; enfin, devant nous, les pieds, parce que la tête, on ne la voit déjà plus, avec son sac : engloutie, comme avalée par le miroir, dans un trou sans fond. On comprend alors que celui qui se débat sur le lit, cet homme à la tête dans le sac, ne veut pas suivre le même chemin.
Imaginons maintenant une autre scène : la scène de l’artiste à l’œuvre. Martine Janin-Oudinot est double, elle aussi, comme les deux personnages : la première découpe avec une grande précision les éléments qui composent ce qu’on appellera, faute de mieux, des « collages », et qui sont cependant des « décadrages », donc des « décollages » de la réalité ; la seconde, dans son autre vie de psychanalyste, est spectatrice de scènes multiples dans lesquelles, elle aide ceux qui, la tête dans le sac, ou se débattant pour ne pas tomber, ou pour ne pas être engloutis par le miroir, ou pour pouvoir enfin dormir et rêver, lui demandent de regarder la scène depuis plusieurs points de vue, comme si elle était, elle, tous les spectateurs de la salle, les hommes comme les femmes ; de la commenter pour eux, et de créer avec eux, le sens qui peut y surgir : j’imagine volontiers que ces « décollages » sont l’autre face, moins protocolaire, mais toute aussi précise de cette seconde vie.
Moins protocolaire en effet, c’est ce que suggèrent ces animaux étranges prenant sans façon leurs quartiers sur la place Bellecour. Mais lorsque j’ai observé pour la première fois cette série consacrée à cette place, m’est revenu en mémoire le titre du roman de Jean Reverzy qui fit en 1956, de Bellecour la « Place des angoisses ». Car si les scènes que proposent les collages de cette série sont drolatiques ou inquiétantes, comme le spectateur en décidera, il est cependant clair que la fantaisie du rêve y prend toute sa mesure, avec la part d’angoisse qui peut parfois y surgir. Ainsi ces drôles d’oiseaux, à l’allure inquiétante, faisant le pied de grue, et qu’on dirait réunis pour un casting d’un film d’Alfred Hitchcock ; c’est par erreur que la vache a reçu une convocation. Et elle y croit ! Mais malgré ses efforts de toilette, il y a peu de chance qu’elle soit retenue pour le film ; Il y a encore ce paon à la traîne démesurée, et dont la suffisance laisse deviner qu’il n’a pas de doute : sa roue est plus belle que l’autre, en arrière-plan. Ou enfin ce couple de touristes finlandais qu’on suppose sortis à l’instant de leur sauna et dansant nus dans la neige, tandis qu’une jeune femme en fourrure baisse les yeux, l’air gêné par une nudité si peu latine. Et enfin les éléphants : ils ont beau faire le zèbre, on voit bien que certains sont roses ; et même s’ils tentent de se cacher les uns les autres, ça ne trompe personne : ils doivent sans doute sortir d’une soirée bien arrosée.
La chose est donc claire : avec tous ces détours, sérieux, graves, ou amusants, Martine Janin-Oudinot ne parle, en images, que de nous, de l’arrière plan onirique qui se cache toujours derrière nos pensées apparemment si rationnelles, dévoilant ainsi avec humour nos folies ordinaires.
Louis Georges.
L’œuvre picturale de Martine Janin-Oudinot (collages, créations d’images, photo) arrive justement à l’heure surréaliste de l’encloîtrement qui pèse et nous suffoque. Et c’est bien dans un univers onirique et surréaliste que l’artiste nous embarque sur son navire volant et ses constructions aériennes, parfois légèrement inquiétantes, parfois plus troublantes et mystérieuses. Dans une grande qualité artistique où l’imprévisible flirte avec le visible, la surprise avec l’humour, la mort avec le feu. Rien n’y est jamais figé et ces esquisses nous parlent, nous interrogent, nous chatouillent et nous emportent dans leurs chemins, leurs ruelles, leurs ciels apocalyptiques et leurs couleurs imprévues.
Le cadre principal de la série sur la Covid est la ville de Lyon, « Myrelingues la brumeuse », ville, dit-on, qui prie d’un côté et qui travaille de l’autre et dont la libido serait aléatoire tout comme l’empathie (même catholique). Prise dans le brouillard de la crise actuelle elle hésite entre la nudité, la discrétion et le mystère. C’est ce dont s’empare l’auteure pour le sublimer dans des représentations fantastiques où se mêlent animaux, ombres, monstres, éclairs et sensualité. Insolite, pour le moins et bizarre. Comme c’est étrange, pense-t-on… Et provocateur. A la Picabia. C’est-à-dire d’une très grande liberté de construction, d’imagination et de création. Il est tentant, quand on sait que la psychanalyse rode par-là autour, de croire qu’il s’agit de rêves, de cauchemars et de fantasmes transposés ici tels quels. Ce serait oublier le long et minutieux travail de l’auteure en ces collages, postages, virages, bordages, échafaudages et dévergondages.
Auriez-vous un jour pensé, amis anarchistes, voir le Roi Soleil transformé en zèbre ou piétiné par un monstre surdimensionné, alors qu’un anorexique bronzeux Giacomettien s’envole sur son tapis volant ? Mais où va-t-il ? Chercher le venin guérisseur ou convier la mort à des enterrements baroques ? Le mort qui nous fait quelques clins d’œil, déguisée en vampire, ou en bestiole funeste fort peu recommandable. Comme un vol de girafes hors du charnier natal. Si je puis dire.
Golems, spectres, farfadets, mutants, flamands rosses, éléphants affamés, vaches échassières viennent nicher tranquillement en la ville éteinte. La place Royale, la Place du Peuple, le Bel intervalle se laisse faire très simplement pendant que tombé malencontreusement de sa croix Jésus teste le nouveau matelas à ressort d’un hôtel pour stars et enfants perdus.
Fantasmes archaïques, c’est-à-dire ceux qui vous laissent interdit, volètent ça et là et nous caressent au passage de leurs doigts colorés et collants. On tremble. Les images se volent et s’envolent. Et chaque scène nous oblige à inventer une suite. C’est là une des diableries de l’auteure que de nous pousser à l’espérance ou la désespérance. Car nous en sommes là.
Mais elle ne nous laisse pas sombrer en ses ciels dantesques car dans ces jeux de miroirs fous elle nous joue le coup de la farce, du faiseur de bons mots, du faiseur de beaux tableaux et du faiseur d’humour. Comme dans ces visages entrecroisés (vingt mille lieues sous les rêves) qui se font de l’œil. Il y aurait ainsi beaucoup à dire et beaucoup à penser face à ces visages de patients et de psychanalystes anonymes ou non. Et bien d’autres frimousses avec qui l’artiste joue à la marelle. Ou à « un, deux, trois, soleil ». Enfin elle s’amuse et nous amuse. Enchantements.
Dans l’émotion, l’érotisme et ce doux vent frôlant qui flotte sur ses œuvres.
Mars 2021, Jean Jacques RITZ.